La chasse

Publié le par Gerald

Les radars anti-P2P seront automatiques, pas les amendes

Pister d'abord les œuvres puis remonter en cinq étapes –police, juge, fournisseur d'accès, police– jusqu'à l'auteur supposé d'un téléchargement illégal et enfin envoyer la contravention à l'accusé: c'est le plan du gouvernement pour lutter contre le peer to peer.

Même si le gouvernement finit par sortir du bourbier législatif dans lequel il s'enfonce chaque jour un peu plus avec le projet de loi sur le droit d'auteur version 2.0, le plus symbolique des aménagements du texte risque de faire un sacré flop. En troquant l'artillerie lourde (une peine théorique de trois ans de prison maximum et 300.000 euros d'amende) pour une simple contravention (38 euros pour le téléchargement d'une œuvre, 150 pour sa mise à disposition), le ministre soigne son image tout en se dotant d'un mécanisme qu'il fait mine de croire dissuasif. Sur le papier il l'est peut-être. Mais transposée à la réalité, l'efficacité du dispositif est loin d'être acquise.


Pour l'instant, seul le principe a été posé. «A chaque fois que vous vous faites prendre le doigt dans le pot de confiture, cela coûtera 38 ou 150 euros quelque soit le poids des fichiers téléchargés», explique le cabinet du ministre. En clair: pour chaque infraction constatée, une amende sera infligée mais il en coûtera moins cher de se faire prendre avec un seul fichier contenant dix morceaux que si dix morceaux à la suite sont téléchargés.

Œuvres sous suveillance

Reste à constater les infractions. Sur la méthode employée pour y parvenir, le mécanisme que le ministère de la Culture souhaite mettre en place n'est pas encore tout à fait au point. Le sujet fait l'objet d'une réflexion au sein d'un groupe de travail interministériel qui doit remettre sa copie dans les semaines à venir. Mais les grands principes déjà posés laissent supposer la création d'une usine à gaz plutôt que d'une machine à débiter les amendes, susceptible d'effrayer les adeptes, même occasionnels, du peer to peer.

Ce ne sont pas les internautes mais les œuvres qui seront sous surveillance. Grâce à des liste de morceaux, d'albums ou d'artistes les plus téléchargés établies par les société d'auteurs ou les ayants droits qui les remettront à la police. Aux enquêteurs ensuite, de faire tourner un logiciel qui constatera «de façon automatique» les infractions. Pour faire simple: ce logiciel devrait être capable d'aller interroger les différents réseaux peer to peer et d'y relever les adresses IP (le numéro d'immatriculation) des ordinateurs de ceux qui s'adonnent illégalement au téléchargement d'une œuvre. L'heure à laquelle l'infraction est constatée ainsi que l'adresse IP sont stockées et les enquêteurs peuvent alors saisir un juge de proximité. C'est lui qui choisira alors de demander ou non une identification de l'internaute auprès des fournisseurs d'accès. Puis la personne est entendue par un agent de police judiciaire avant de voir le juge appliquer, le cas échéant, la contravention.

«Pas de police de l'Internet»

Aussi complexe soit-il, le mécanisme présente un avantage: il est très protecteur des libertés individuelles. Beaucoup plus, en tout cas, que les radars automatiques placés sur le bord des routes. Car ces derniers transmettent des amendes à tour de bras sans permettre aux automobilistes de contester l'infraction a priori. «L'essentiel pour nous est de respecter les libertés individuelles, de ne pas surveiller les internautes eux-mêmes et que la charge de pister les internautes ne soit pas confiée à des entreprises privée. Il n'y aura pas de police de l'Internet», promet le ministère. Interrogé sur l'efficacité réel d'un mécanisme qui, pour dissuader efficacement, devrait sanctionner largement, le cabinet de RDDV réplique: «Nous sommes justement en train de travailler sur les moyens dont nous allons nous doter, sur le fait de savoir si cette mission sera confiée aux services de police existants ou à une nouvelle brigade. De toute façon, ce ne sont pas les sanctions qui vont résoudre le problème mais le basculement progressif vers l'offre légale qui, grâce à la loi, va être sensiblement élargie. L'objectif n'est pas de faire du chiffre, simplement d'être efficace.»

C'est loin d'être gagné, vu la complexité du système. «La navette entre les agents de police judiciaire et le juge de proximité suppose une procédure très complexe pour chaque infraction», estime Laurence Pecaut-Rivolier, président de l'association nationale des juges d'instance. Je ne vois pas comment mettre en branle une machine aussi lourde pour 38 euros ou même 150 euros d'amende. Et puis les juges de proximité n'ont actuellement ni le temps ni les compétences pour absorber ce travail.»

par Ludovic BLECHER in LIBERATION

Publié dans Informatique

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article